Marcelle Loubchansky
« Nul n’a su comme elle libérer et rendre tout essor à ces formes issues du sein de la terre et “participant à la fois de l’humidité et de la flamme” qui attestent une nouvelle gestation. Le privilège lui revient de déployer dans tout son faste, sous nos yeux, la frange changeante et chantante par laquelle un âge révolu anticipe sur l’âge à venir. C’est à cette latitude et à elle seule qu’un Voyant comme Charles Fourier a pu observer que la cerise était née de la copulation de la terre avec elle-même, comme aussi bien, on ne pouvait devoir qu’à la planète Vénus le schall de kashmir et le bouquet de lilas. C’est lui qui, le premier, a osé concevoir les Créations scissionnaires.
Marcelle Loubchansky, aujourd’hui, en soulève le voile et c’est une bouffée de toute fraîcheur qui, levée de ses œuvres, nous rend pour elles le pur regard de l’enfance, où les prestiges de l’aurore boréale se conjuguent à ceux de la robe de couleur du temps. S’il pouvait être question de lui ravir son secret, je crois qu’il faudrait le chercher du côté de l’aimant (l’interrogation de ses ressources techniques établirait qu’elle dispose en propre d’une émulsion qui constitue le lieu idéal de manifestation d’attractions d’ordre rigoureusement organique, conférant à son art un caractère presque infaillible). Il faudrait aussi le chercher du côté du diamant, en l’espèce cette saillie anguleuse qui, dès avant sa naissance, surmonte le bec de l’oiseau et sans quoi il ne saurait briser la coquille de l’œuf (sur le plan de l’esprit, il va sans dire que seuls accèdent au jour véritable les rares êtres humains qui sont doués du substitut mental de cet organe). »
André Breton
Le surréalisme et la peinture
Nouvelle édition revue et corrigée, 1928-1965
Paris, Gallimard, 1965, p. 346